Jornal LE MONDE
La production de l'indécence
Ne soyons pas naïfs: la mort de Lady Diana ne changera rien aux pratiques de la presse à sensation. Là où il y a de l'argent à gagner, la morale ne trouve pas facilement sa place. Mais on peut sourire ou s'offusquer de la façon dont certains marchands de papier et d'images croient devoir répondre aux attaques dont ils sont l'objet, en renvoyant la balle à ceux qui achètent leurs oeuvres. Oui, la production de l'indécence est plus déplorable que sa consommation, parce que son fondement se situe avant tout dans le cynisme et dans l'appât du gain. Le lecteur, lui, n'a que la «faiblesse» de céder à l'offre qui lui est faite de satisfaire ses pulsions voyeuristes et de se divertir au spectacle des prétendus bonheurs ou malheurs des célébrités. Invoquer une supposée demande du public est irréfléchi et, plus encore, malhonnête.
BERTRAND SACHS (Paris)
La photo manquante
L'histoire est écrite par les vainqueurs. C'est le point de vue des gagnants qui prévaut dans les archives du temps qui passe. Car il y manque toujours nécessairement le témoignage des victimes. Le souvenir des lynchages des Noirs américains ne figure sur aucun registre. C'est pourquoi il faut lire Faulkner pour corriger la version officielle. Avant de mourir sous la pression, réelle ou symbolique, d'une meute d'hommes, la victime lit la férocité sur les visages rapaces. Avant de mourir, Lady Diana aurait pu voir la fureur d'une poignée de photographes, professionnels jusqu'au bout des ongles. C'est la photo manquante dans le regard de la princesse agonisante, ce cliché dont le sujet aurait été ces photographes de métier eux-mêmes, qu'il nous faut imaginer pour comprendre.
CHRISTIAN DE MAUSSION (Paris)
Dealers
J'ai été choqué d'entendre, sur les ondes et à la télévision, un photographe se défendre en arguant qu'il ne faisait que son métier, qui est de répondre à la demande. J'ai eu le sentiment d'entendre un dealer qui se vanterait d'empoisonner la population, mais en toute bonne foi (...). Ce dealer oublie juste de préciser dans quel état de dépendance il a mis ses «clients» et de décrire les conditions dans lesquelles il provoque la consommation. (...)
JEAN-PAUL TRETON LAVAL (Mayenne)
Résolument moderne
J'ai beaucoup aimé vos six grandes pages sur Diana, magnifique! Un peu moins bien que les suppléments couleurs de quinze pages sur Claude François, Mike Brant et Dalida. Un petit reproche, pourtant : n'encombrez plus votre journal de notices nécrologiques de gens, dont le grand public, dont nous faisons tous partie, n'a que faire et n'a jamais entendu parler, comme par exemple : François Furet, Guy Debord, Georges Duby, Jean Poperen. Encore un effort pour être résolument moderne!
JACQUES ROBERT (Paris)